Le Mur de la honte est en cours de construction. À Bil’in, village palestinien de Cisjordanie, le Mur permet à l’État d’Israël de voler 60 % des terres agricoles pour construire des colonies qui doivent accueillir des dizaines de milliers de personnes. Depuis quatre ans, les habitants de ce village ont décidé de résister par la non-violence (poursuites devant la justice israélienne, organisation chaque année d’une conférence sur la résistance non-violente)… Chaque vendredi, une manifestation non-violente a lieu en direction du Mur. Les habitants du village sont rejoints à chaque fois par des Israéliens anticolonialistes et des citoyens du monde. Le vendredi 17 avril, la manifestation est une nouvelle fois arrêtée par l’armée israélienne. Aux slogans des manifestants répondent les gaz de l’armée. Quelques Palestiniens s’approchent du mur. Un groupe filme la scène en retrait. Basem Abu Rahme est là, vêtu de son maillot de football « Fiat » jaune fluorescent. Il crie aux soldats : « Nous sommes dans une protestation non-violente, il y a des enfants et des internationaux. » Il s’écroule, trois bombes lacrymogènes viennent de l’atteindre, dont l’une lui perfore l’estomac. Une nouvelle arme israélienne qui vient de faire un mort de plus.
À Nil’in déjà, le 29 juillet 2008, Ahmed Husan Yousef Mousa, 10 ans, a été abattu par l’armée, et le lendemain, lors de son inhumation, ce fut le tour de Youssef Amira, 17 ans, assassiné d’une balle en pleine tête. Bil’in, Nil’in, Palestine, l’armée israélienne tue en toute impunité. Basem Abu Rahme est le 18e Palestinien à mourir sous les balles de l’armée israélienne depuis quatre ans lors des manifestations contre le Mur. Pourquoi ? Parce qu’ils manifestent pacifiquement chaque vendredi contre le Mur, parce qu’ils refusent de courber l’échine, parce qu’ils veulent vivre dignement. Combien de milliers d’autres morts faudra-t-il pour que la communauté internationale tape du poing sur la table et dise stop ? Stop à l’occupation, stop à la colonisation, stop au massacre des Palestiniens. Qui a entendu parler de cet assassinat ? Qui a entendu parler des 17 précédents, à part peut-être les lecteurs de Politis ? Quel média s’en est fait l’écho ? Où est la réaction unanime et indignée de la presse, des responsables politiques, des citoyens ? Où sont les éditos rageurs de BHL, Val et compagnie ? Que veut dire ce silence ? Que l’armée israélienne nous habitue depuis si longtemps à tuer comme bon lui semble, que la mort des Palestiniens est devenue pour nous un quotidien qu’on voudrait oublier pour mieux oublier notre responsabilité. Que veut dire ce silence ? Que pour nous la seule image des Palestiniens que nous acceptons de diffuser, que nous acceptons de mentalement nous construire, c’est celle du dangereux fanatique, barbu naturellement, qui commet un attentat suicide au milieu de civils israéliens.
Avec ce silence par lequel nous répondons à ce mort de Bil’in, nous disons aux Palestiniens que le seul moyen de résister à l’armée d’occupation qui ait un écho sur la scène internationale, c’est de se mettre une ceinture d’explosifs et d’aller se faire sauter au milieu des civils. Mais comme nous condamnons les « terroristes » et que nous sommes en « guerre contre le terrorisme »… la communauté internationale dit finalement aux Palestiniens : « Arrêtez de résister, perdez espoir, émigrez. » La communauté internationale dit finalement aux Israéliens : « Poursuivez vos massacres et votre “politique du transfert”. » Refusons ce silence coupable. Exigeons du consul français de Jérusalem d’exprimer notre indignation [1].